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La « bataille idéologique » devient vite un thème métaphorique ressassé plutôt qu’une action d’ampleur et fonctionne comme un topos ou lieu commun. (Il suffit de lire Culture Wars de James Hunter pour mesurer combien la guérilla culturelle aux États-Unis dans les années 1990 n’avait à l’inverse rien d’une joute verbale : militants anti-avortement enchaînés à des cliniques du planning familial ou qui y mettent le feu, lynchage de personnes trans ou gay, menaces de mort, explosion de voitures et agressions contre des représentants religieux, il s’agissait de détruire physiquement). Parler de « bataille culturelle », plutôt que de la mener concrètement, est en soi un argument persuasif à même d’infléchir l’image des candidats. De Jean-Marie Le Pen qui assène que « les mots tuent parfois plus sûrement que les balles » à Éric Zemmour qui le plagie d’un « les mots sont des armes qui tuent bien plus efficacement que des fusils », hyperbole et grandiloquence alimentent un ethos guerrier et campe le locuteur en héros charismatique.
Surtout, la métaphore belliqueuse n’est pas neutre car elle s’inscrit dans une conception autoritaire du pouvoir et une survalorisation de la violence comme schéma structurant des relations sociales. Parler de « guerre » culturelle, c’est valoriser et acclimater une conception anti-démocratique de la vie politique. Par définition, une « victoire » ne pourrait être que l’élimination de « l’ennemi » par reddition ou annihilation totale. Dans cette vision, plus d’alternance politique, de compétition démocratique, ni de débat d’idées ou de réflexion critique des citoyens. Il s’agit d’éliminer la pensée (et les partis) adverses – ce que le nouveau président des États-Unis Trump a juré de faire avant même d’être élu… et est en train d’accomplir depuis la Maison blanche.
Les exemples historiques lointains ou récents (l’assaut du Capitole le 6 janvier 2020, les terroristes suprémacistes inspirés par la théorie du Grand Remplacement en Norvège, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis, Trump en parole puis en action aujourd’hui) ont montré la continuité qui mène du discours de la violence au recours à la violence physique ou institutionnelle. Se lancer dans une « bataille idéologique », c’est inciter à l’action dans le monde réel et ériger les adversaires comme des ennemis à abattre.